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근대한국외교문서

조선 해안 탐사 보고

  • 발신자
    G. Roze
  • 수신자
    P. de Chasseloup-Laubat
  • 발송일
    1866년 10월 6일(음)(1866년 10월 6일)
  • 출전
    Documents, pp. 276-318.
La Guerrière, baie de Tche-foo, le 6 Octobre 1866
Mr= le Ministre,
 Dans mes dépêches en date du 23 août et du 7 septembre derniers, j’ai eu l’honneur d’informer V. E. que j’avais l’intention d’entreprendre, si le temps le permettait, l’exploration des côtes de la Corée qui avoisine la capitale. Le retentissement qu’avait eu le massacre de nos missionnaires, l’émotion que ce grave évènement avait causé parmi les populations de l’extrême Orient, me faisaient regarder comme une nécessité de tenter, par tous nos efforts, les moyens de punir un Gouvernement barbare qui, à l’abri de son isolement absolu, et au mépris de toutes les lois de l’humanité, avait si odieusement mis à mort nos compatriotes. C’est dans cette pensée qu’après avoir quitté Saïgon où j’avais été appelé momentanément, j’ai pris sur le champ la résolution de réunir à Tche-foo les bâtiments de la Division de Chine, afin de me mettre en mesure d’exécuter mon projet, si les circonstances m’en donnaient la possibilité.
 Le 18 septembre, au point du jour, j’ai quitté Tché-foo sur le Primauguet qui portait mon pavillon et qui avait pris à la remorque l’aviso le Déroulède et la canonnière le Tardif, arrivée récemment de Ning-po. J’avais seulement à ma disposition la carte que M. le Contre Amiral Guérin avait levé en 1856, dans son excursion au milieu des récifs du golfe de Prince Jérôme. C’était le seul document qu’il me fut possible de consulter, et j’ignorais encore sur quelle partie de la côte se trouvait l’embouchure du Han-Kiang, fleuve qui conduit auprès de Séoul, capitale de la Corée. L’aspect de la côte, le mouvement actif des jonques dans le golfe du Prince Jérôme, des récits de marins indigènes avaient fait supposer à l’armiral Guérin que la capitale était peu éloignée des parages où il se trouvait, et que l’embouchure du Han-Kiang devait aboutir à l’extrémité d’une anse profonde dont il avait marqué les abords sur sa carte, sans avoir eu le temps de la faire explorer en entier. J’avais longtemps partagé cette supposition, et, bien que j’eusse auprès de moi un marin du pays, compagnon du Père Ridel, je n’avais pu savoir par lui, d’une manière claire où gisait le passage qu’il m’importait si grandement de connaître. Dans le doute sur sa vraie position, je pris le parti de me rendre tout d’abord, dans le golfe du Prince Jérôme où je fus guidé par l’excellent travail de Mr= le Contre-Amiral Guérin, travail dont j’ai pu apprécier la complète exactitude, tout en admirant le talent et la hardiesse que cet honorable Amiral avait déployé, pour retracer ainsi les sinuosités et les points importants de ces difficiles passages.
 Le 19 vers midi, j’avais connaissance des îles Ferrière, je fis gouverner aussitôt pour les contourner à petite distance, et dès ce moment, les remorques furent larguées et les canonnières vinrent se placer sur l’avant du Primauguet pour éclairer sa route. Nous entrâmes ainsi dans l’intérieur du Golfe, en laissant à notre gauche les îles innombrables de l’Archipel du Prince Impérial. Nous nous dirigeâmes vers l’île Fernande avec les précautions usitées pour une navigation de ce genre ; nous la laissâmes à droite, et aidés par la clarté de la lune, nous pûmes continuer notre route même pendant la nuit, pour aller chercher un mouillage praticable par des fonds moindres que ceux annoncés par la ronde et qui, dans la plus grande partie de notre parcours, n’ont pas été moindres de 55 mètres. À minuit, je fis mouiller par 38 mètres de fond de gravier, après avoir dépassé l’île Fernande de 5 miles environ.
 Le 20 au point du jour, nous changeâmes de mouillage, et nous pûmes trouver un plateau d’une profondeur de 15 à 20 mètres à marée basse, auprès d’une île qui nous offrit un excellent abri. J’ai donné à cette île, dont le nom n’est pas marqué sur la carte de Mr= l’Amiral Guérin, celui d’Eugénie, en souvenir respectueux de notre Auguste Souveraine.
 Mr= le Commandant Bouchet, dont le zèle est infatigable, et auquel j’avais adjoint MMr= Hermann et Desfossés, mes aides de camp, ainsi que tous les officiers du Primauguet, s’occupa de coordonner tous les relèvements et documents nautiques que nous avions pu prendre la veille, et fit compléter les sondages de manière à lever une carte aussi détaillée qu’il nous était permis de le faire, de la partie du golfe que nous avions traversée. Nous fîmes établir à terre une échelle de marée pour constater le mouvement des eaux qui est si considérable au milieu de ces îles ; des croquis nombreux des points les plus saillants furent dessinés, et le travail réparti entre chacun des officiers et exécuté avec le plus grand entrain par eux tous, nous a donné les éléments d’une carte qui pourra, en partie, compléter cette dessinée par l’Amiral Guérin. ce (Sic) même jour 20, sans perdre de temps, j’expédiai le Déroulède avec la mission d’aller rechercher l’embouchure du Han-Kiang. Mr= Hermann, mon aide de camp, passa sur ce bâtiment pour assister le capitaine Richy dans ses nouveaux travaux ; le Père Ridel lui fut donné comme interprète, et le marin coréen qui ne nous avait guère été utile jusqu’alors, reconnut les île auprès desquelles nous étions placés, et se chargea de guider le Déroulède dans sa nouvelle exploration. Le 21 le Déroulède revint auprès de moi, et m’annonça qu’il avait réussi dans sa mission. En contourant la partie nord des côtes qui touchait à celle du Prince Jérôme, il avait pu trouver un bras de mer resséré qui conduit à l’embouchure de la rivière de Séoul : il avait découvert à l’entrée de ce canal, un mouillage assez vaste et parfaitement sûr qui pouvait même abriter la Guerrière, mouillage qui commandait l’un des accès principaux du fleuve, et avait en conséquence l’extrême importance de nous rendre au besoin, les maîtres de la plus grande partie du mouvement commercial du Han-Kiang. Il avait poussé ses recherches jusqu’à l’île de Kang-Hoa l’une des quatre places les plus fortifiées, et réputée la plus importante de la Corée, qui se trouve à environ 20 milles de l’entrée du canal, et vis-à-vis l’entrée du flueve de Séoul. Cette île est, en effet, garnie de fortins sur lesquels, à notre passage, surtout en revenant, nous avons vu une multitude de soldats. Pendant l’expédtion du Déroulède, le Tardif qui m’avait signalé une avarie assez grave dans le moyen de son hélice pour aller s’échouer sur une magnifique plage de sable vis-à-vis l’île Eugénie, et là, laissé à sec par les grandes marées qui ne sont pas de moins de 7 à 8 mètres, il exécuta complètement sa réparation et revint, dès le soir même, mouiller auprès de nous.
 Dès le lendemain, 22, de très bonne heure, je partis sur le Primauguet, précédé du Déroulède et du Tardif. Je sortis du golfe du Prince Jérôme, et, après une navigation de quelques heures, accomplie avec de minutieuses précaution, j’arrivai au mouillage qui m’avait été signalé par le capitaine du Déroulède ; je n’y passai que le temps nécessaire pour le visiter et m’assurer, en effet, par moi-même, que la Guerrière y serait en parfaite sécurité, et je remontai immédiatement vers l’île de Kang-hoa, en prenant le canal (baptisé pour nous Rivière Salée) qui avait été exploré la veille par le Déroulède. Les canonnières nous signalèrent les sondages et déjà nous avions franchi les deux tiers de la route, quand un changement de fond nous fût aussitôt annoncé ; le Primauguet arrêta subitement sa marche, essaya de reculer, mais quelque célérité qu’on apportât à sa manoeuvre, il ne put assez tôt marcher en arrière pour éviter de tomber sur un banc de roches qui était à environ 6 mètres sous l’eau, profondeur qui équivalait à peu près au tirant d’eau de la corvette. Le Primauguet resta quelques instants immobile, et, au bout de quelques minutes, la marée qui montait avec force le fit flotter de nouveau et lui permit de s’éloigner. Cependant, quelque faible que fût cet échouage, plusieurs morceaux de la fausse quille avaient été arrachés. Les sondages annoncés par les canonnières me prouvant que le fond était trop inégal, même à marée haute pour y risquer de nouveaux le Primauguet, je donnai l’ordre de revenir sur nos pas, pour aller prendre un mouillage un peu plus en aval près d’un village appelé Sirou, et c’est là que nous passâmes la nuit.
 Le lendemain 23, j’embarquai sur le Déroulède, et j’envoyai le Primauguet au mouillage de l’entrée du canal, que je nommerai désormais mouillage de l’Ile Boisée, à cause d’une île qui se présente à l’entrée comme un véritable bouquet d’arbres. Le bâtiment recevait la mission d’en lever le plan, d’en étudier les marées, et d’en faire exactement les sondages. En même temps, je partis sur le Déroulède, suivi du Tardif avec l’intention de remonter aussi près que je le pourrais de Séoul. Les marées étaient très fortes et les courants excessivement violents. Les conditions rendaient la navigation très difficile et exigeaient de bien grandes précautions pour éviter les bancs nombreux que nous allions rencontrer. Les canonnières eurent à subir un échouage de quelques minutes, entraînées par des rapides qui, par moments paralysaient l’effet du gouvernail. Heureusement la nature des fonds qui, dans cette partie, étaient de sable fin, empêchèrent toute avarie, et bientôt les canonnières purent flotter encore et continuer leur marche en entrant tout à fait dans la rivière de Séoul. L’île de Kang-hoa domine cette entrée et peut être considérée comme une sentinelle avancée qui commande complètement le fleuve dont le cours ne commence à proprement parler qu’à ce point. C’est ainsi que les indigènes appellent tout le canal qui mène de l’Ile boisée à Kang-Hoa, rivière de mer, et à partir de Kang-Hoa jusqu’à Séoul, rivière de terre. L’inspection des croquis que j’ai l’honneur d’envoyer à V. P., pourra mieux faire comprendre la configuration générale de ces parages, que la description que je pourrais en faire. C’était pour la première fois que des bâtiments de guerre montraient leur pavillon sur ces rives, et dès ce moment, nous pourrions penser que le voile mystérieux dont s’entourait ce pays allait être arraché, car le chemin de Séoul était ouvert devant nous.
 Ce même jour, vers 9 heures du soir, nous avons laissé tomber l’ancre devant un petit village appelé Ptoué, auprès d’une plage qui nous a paru très convenable, avec un fonds suffisant pour nous assurer de flotter quand la mer serait basse. La nuit a été paisible, nos canotiers que nous avons envoyés à terre pour établir une échelle de marée ont communiqué avec les indigènes qui, comme tous ceux que nous avons vu jusque-là, ont paru doux et sociables, mais fort craintifs ou plutôt réservés, et disposés sans doute, à frayer avec les étrangers, si leur mandarins ne les en empêchaient. Leur curiosité est excessive : partout sur le passage des canonnières qui défilent très près des rives, la foule se presse, et se groupe sur les collines pour jouir du spectacle qui pour la première fois frappe ses yeux.
 Le 24, à 9 heures du matin, au renversement de la marée, nous appareillâmes de nouveau, et après avoir pris les mêmes précautions pour assurer notre navigation, nous vînmes mouiller près du village de Seuk-Kol, agréablement situé au milieu de bouquets de verdure ; là, à peine arrivés, un bateau d’indigènes se détache de la rive, et vient à bord. Les Coréens d’abord défiant ne tardent pas à s’enhardir, et demandent la permission de monter à bord ; ils ont la curiosité des enfants, ils regardent partout, touchant à tout ce qu’ils aperçoivent, prennent nos lunettes et nos binocles, et cherchent à y voir, avec des éclats de rire et une joie enfantine. Ils paraissent gais, mais toujours très craintifs à l’égard de leurs mandarins ; ils répondent à voix basse à nos demandes d’échange en nous disant qu’ils nous satisferaient volontiers s’ils n’étaient pas surveillés par leurs Mandarins. Nous leur demandons à acheter des provisions, mais ils ont besoin pour cela d’une permission ; ils vont à terre pour la demander ; ils reviennent bientôt après et nous rapportent que leur Mandarin ne veut y consentir que si nous prenons l’engagement de nous éloigner. Je réponds aussitôt avec force que nous, nous avons l’habitude de traiter en amis les étrangers qui viennent chez nous, et que nous sommes empressés à leur fournir ce dont ils ont besoin ; j’exige donc qu’ici, ils agissent de même à notre égard ; j’ajoute, que s’ils se montrent si peu hospitaliers, je les traiterai en ennemis, et que je ferais enlever leur Mandarin. Ils se dépêchent d’aller porter cette réponse à leur chef, et ils reviennent bientôt avec un approvisionnement complet : un boeuf, un porc, des volailles et des légumes en assez grande quantité pour les équipages des deux canonnières. Une bonne découverte que nous faisons en même temps, c’est que l’eau du fleuve avec jusant, à partir de ce village est tout à fait douce et potable. Je fais donner aux Indigènes des piastres en paiement de leurs provisions, mais ils refusent d’abord et ne paraissent pas comprendre la valeur de la monnaie ; sur mon insistance, ils finissent par accepter avec la restriction cependant que leur Mandarin les leur permettra. Pendant la nuit, nous avons établi à terre une échelle de marée ; les courants sont très forts, et la marée marne environ de six mètres ; durant toute la nuit, les Coréens restent en groupes nombreux accroupis sur la plage à nous regarder, et allument de grands feux ; des ordres sont évidemment arrivés de Séoul, pour nous surveiller avec soin.
 Le 25, à 6 heures du matin, dès que la marée devient favorable, nous nous mettons de nouveau en route pour remonter le cours du Han-Kiang. Les difficultés de navigation semblent plus grandes, les précautions sont les mêmes ; les canots sondent sur l’avant pour éclairer le chemin ; cependant, entraîné par le courant, le Déroulède ne peut éviter un banc de sable sur lequel il reste échoué pendant une demi-heure environ ; la marée étant sur le point de renverser, je me décide à revenir sur nos pas pour aller prendre un mouillage convenable par 8 mètres de fond. L’inégalité des profondeurs de l’eau est une des plus grandes difficultés de la navigation du fleuve ; les marées étant très fortes, on ne peut laisser tomber l’ancre que par des fonds où l’on puisse flotter à mer basse, ce qui est souvent très malaisé. Comme toujours, dans ce nouveau trajet, les populations curieuses s’établissent dans les collines et sur les plages pour nous voir passer ; sur le parcours du fleuve, elles paraissent très nombreuses et je pense que la plupart de ces villages sont beaucoup plus peuplés sans doute que ceux qui sont dans l’intérieur du pays. Plusieurs fois des embarcations d’indigènes sont venues accoster le bord ; un mandarin entr’autres, envoyé probablement par le Gnt= et arrivant de Séoul, nous questionne par les mêmes phrases que celles qui nous ont été dites depuis notre départ de l’Ile Boisée. Que venez-vous faire ? De quel pays êtes-vous ? Quels sont vos projets ? Je fais répondre invariablement à ces demandes par le Père Ridel. Nous sommes Français, nous allons où nous voulons et nous tenons à voir le pays. Les réponses n’ont pas l’air de satisfaire les mandarins, car leur physionomie témoigne une vive inquiétude. Cependant, vers le soir, sur notre demande, ils nous apportent des provisions, boeufs, volailles, oeufs et légumes, et ils en reçoivent très bien le prix en piastres, bien qu’ils n’aient pas l’air de connaître cette monnaie.
 Cette station n’est plus qu’à trois milles environ de la rive la plus voisine de Séoul. Le 26, de grand matin, au moment où nous la quittions pour continuer notre exploration, nous apercevons un changement complet dans l’apparence générale de la côte ; la polpulation qui la veille encombrait les plages et les hauteurs est devenue invisible : les collines couronnées naguère d’une foule curieuse sont complètement désertes ; plus un seul indigène ne paraît. Un contraste aussi opposé dans les allures de ce peuple doit avoir une signification et doit être l’effet d’un ordre du Gnt=. De plus, une grande quantité de jonques sont venues pendant la nuit se placer sur la route que nous devons suivre pour arriver au mouillage de Séoul, et dans le but certainement de former une estacade pour nous barrer le passage. Tenant à tout prix à me rendre devant Séoul, et à ne pas laisser croire que je cède aux injonctions si souvent renouvelées des Mandarins, je fais dire à ces jonques, par une embarcation indigène d’un village voisin, que je leur donne une heure et demie pour se dissiper, et que si après ce délai elles n’ont pas obéi à mon ordre, je me faierai (Sic) un passage au millieu d’elles à coups de canon. En même temps je fais arrêter des trains de bois considérables qu’il serait très facile de les couler en les chargeant de pierres dans un défilé fort étroit et très difficile par lequel il nous faut passer pour aller à Séoul. Bientôt après, je m’engage dans ce même passage où nous nous étions échoués la veille, mais cette fois grâce aux sondages pris avec un soin infini par le Cnt= Bochet, lui-même, nous le franchissons sans accident. Le délai que j’avais fixé étant expiré et les jonques ne faisant aucun mouvement pour s’écarter, je me décide immédiatement à exécuter ma menace, bien convaincu qu’elles ne sont placées ainsi sur ma route que par l’ordre du Gouvernement. Je me rends avec mon Etat major dans le Tardif que j’avais fait mettre en téte de ligne, mon pavillon y est arboré, et je fais envoyer quelques coups du canon de 30, qui fort bien pointés, jettent un trouble inexprimable devant nous. Les équipages de ces jonques s’enfuient en toute hâte dès le premier coup de canon sur la rive voisine ; je peux passer tout auprès d’elles, et tandis que je prolonge leur ligne, une espèce de projectile comme une fusée à la congrève nous est lancée de chacune des deux rives, et vient tomber à une assez grande distance de nous. Des coups de fusil en assez grand nombre sont également tirés sur nous ; aussitôt les canons de 12 du Tardif et ceux de 12 et de 14 du Déroulède envoient rapidement quelques obus vers l’endroit d’où les coups sont partis ; les fusiliers font en même temps un feu de mousquetterie sur les quelques soldats Indigènes qu’ils peuvent apercevoir de ce côte. Mais après quelques instants une panique immense s’empare de ces hommes qui fuient à toutes jambes et désertent complètement la plage. Je fais cesser immédiatement le feu et j’arrive très tranquillement au mouillage de Séoul. Cet exemple aura produit certainement un salutaire effet en montrant la puissance et la portée de nos canons. Il était bon d’ailleurs, d’assurer notre prestige et de prouver au Gouvernement de la Corée, si confiant jusque là dans son isolement et dans la position que la nature lui avait faite en l’entourant d’une aussi innombrable quantité d’écueils, qu’il n’était plus inviolable, et qu’il était à la merci de nos boulets. Des milliers d’Indigènes ont envahi toutes les hauteurs qui dominent les rives, et sont demeurés avides de curiosité en ne cessant de nous regarder. C’était une foule immense, dont il eut été bien difficile d’apprécier le chiffre et qui répandue partout dans la campagne donnait par ses vêtements invariablement blancs un aspect des plus pittoresques au paysage. Un très grand village qui prolonge la rive droite enserre le chemin qui conduit à la Capitale ; un village semblable est placé tout à fait vis-à-vis le premier sur l’autre rive. L’esprit de cette population m’étant complètement inconnu, il ne m’a pas été possible d’envoyer une reconnaissance à Séoul qui s’étend au pied d’une haute montagne à environ 8 kilomètres de la rive la plus rapprochée et d’où la vue ne peut l’atteindre. Nous avons pu cependant distinguer une partie de ses murailles. Mais j’ai fait prendre tous les sondages qui pouvaient compléter un croquis très suffisant du mouillage. Le Gouvernement ne m’a envoyé aucun Mandarin, et, de mon côté, la mission que je m’étais donnée, se bornant pour le moment à une exploration, je n’ai pas cherché à entrer en relation avec ceux des Mandarins qui probablement habitent le grand village auprès duquel nous sommes mouillés. Les événements du matin étaient d’ailleurs de nature à leur imposer une grande réserve. J’ai eu l’occasion cependant là, comme dans toutes les stations où j’ai séjourné, de faire savoir à la population que nous ne venions pas pour la châtier, qu’au contraire nous étions les amis du peuple de Corée et que les Français étaient connus dans le monde pour leur générosité et leur désintéressement ; mais j’ai tout lieu de penser que ce peuple est fort ignorant en géographie, et qu’il ne connaît guère les délimitations de l’Europe ; pour lui, toutes les nations qui ne sont pas la Chine ou la Corée n’existent que dans les ténèbres de son imagination.
 Au mouillage de Séoul, vers le milieu de la rivière, il existe un banc de roche, où le Tardif est resté fortement échoué pendant toute la journée dans une position à me donner de vives inquiétudes. J’espère que la population ne s’en est pas aperçue bien que le Tardif ait été obligé de se béquiller pour soutenir ses flancs. Vers le soir, la marée de flot l’a renfloué tout naturellement, et heureusement sans la moindre avarie. Ces accidents d’échouage devaient être très fréquents dans une navigation constamment accomplie en découverte, entraînées comme l’étaient les deux canonnières par un courant rapide et ne pouvant pas toujours gouverner d’après les indications des canots que nous n’avons jamais négligé de mettre en éclaireurs devant notre route. Cette exploration malgré toutes ces difficultés a pu réussir sans malheur à déplorer, et le mérite en revient au zèle incessant qu’ont déployé les officiers que j’avais appelé à me seconder. Le Commandant Bochet du Primauguet que j’avais détaché momentanément de son bâtiment pour le charger des travaux hydrographiques, s’est acquitté de cette mission avec l’intelligence et la passion dévouée qu’il a l’habitude de mettre aux travaux qui lui sont confiés. Il a été parfaitement assisté, d’ailleurs par M.M. Hermann, Desfossés, mes aides de camp, et M. de Marlione, aspirant de 1ère classe, attaché à mon état major général, ainsi que par tous les officiers du Primauguet, du Déroulède et du Tardif. Chacun d’eux dans cette campagne a acquis des droits à ma gratitude et à la haute bienveillance de V. Ex. M.M. Richy et Chanoine, capitaines du Déroulède et du Tardif, ont conduit leurs bâtiments avec l’aplomb et le talent de marins consommés ; ils ne se sont jamais lassés un instant de chercher à vaincre les difficultés presque incessantes qui surgissaient devant eux. Les équipages parfaits comme ils le sont toujours dans les circonstances importantes, ont redoublé de force et d’énergie et nous sommes tous heureux d’avoir ainsi accompli une exploration qui peut avoir d’aussi grands résultats dans l’avenir et qui intéresse à un si haut point la géographie.
 Après avoir passé 24 heures au mouillage de Séoul, j’ai donné l’ordre du retour ; nous sommes revenus avec les mêmes précautions en mouillant sur plusieurs autres points où nous avons pu faire des observations de latitude et de longitude, ainsi que des travaux de triangulation pour déterminer le mieux possible les positions exactes et les contours de la rivière. Grâce à ces soins, nous en avons aujourd’hui une carte très satisfaisante. Enfin, après bien des échouages et plusieurs jours d’une navigation toujours aussi difficile, nous sommes arrivés le 30 septembre au mouillage de l’Ile Boisée.
 Pendant mon absence, le Primauguet mouillé cependant par 14 mètres de fond en marée haute était resté échoué à marée basse dans la journée du 29 septembre ; la mer avait marné de 9 mètres 50 c. C’était, à la vérité, l’un des jours des grandes marées de l’équinoxe. Le Primauguet avait été obligé de se béquiller, mais il n’avait nullement souffert dans ce nouvel échouage. Après avoir écrit très à la hâte la relation sommaire du voyage si rempli d’intérêt que je m’étais promis d’effectuer, je voudrais pouvoir donner à V. E. des renseignements détaillés et surtout exacts sur la politique et la constitution du pays que j’ai parcouru ; mais en cela j’en suis encore à l’ignorance des premiers jours, car, à part le Père Ridel qui est en ce moment auprès de moi et qui ne peut connaître un pays dans lequel il est resté constamment caché, je n’ai vu personne qui puisse me donner les informations que je désirerais me procurer, on m’avait annoncé qu’à notre apparition sur ces côtes, les chrétiens se lèveraient et viendraient en foule à nous ; Je n’en ai pas vu encore un seul et je ne sais seulement pas dans quelle partie de la Corée se trouvent les chrétientés les plus importantes. Le Père Ridel n’a pas même trouvé le moyen de faire savoir aux deux missionnaires qui ont survécu au massacre de leurs collègues, notre arrivée sur ces côtes, ils me seraient cependant bien utiles pour me servir d’interprètes. La légation de Pékin m’avait écrit que le Père du Roi était désigné par le parti chrétien comme très sympathique à la population, et comme devant remplacer son fils sur le trône, si une révolution venait à y éclater par suite notre présence en Corée. De son côté, le Père Ridel m’assure que ce Père du Roi est un homme détestable qui s’est associé aux trois ministres les plus coupables, pour ordonner le meurtre des missionnaires. Du milieu d’opinions aussi contradictoires, il est bien difficile de savoir où est la vérité. Cela ne serait donc que par un séjour plus prolongé et surtout par des communications avec des hommes influents dans le pays que je pourrais savoir à quoi m’en tenir à ce sujet, mais encore cela serait-il bien difficile, tant est excessive la crainte que le Gouvernement inspire à ses sujets, car chacun d’eux tremble de se compromettre par indiscrétion qu’il pourrait payer de sa tête.
 Mon explication étant terminée, comme je le désirais et avec un succès complet j’ai quitté le 1er Octobre le mouillage de l’île Boisée, sur le Primauguet et suivi de deux canonnières et suis arrivé à Tchefou le 3 octobre.
 V. E. a vu par le récit suivant de notre navigation combien il est difficile de parcourir avec sécurité toutes les sinuosités de ce fleuve avec des bâtiments du tirant d’eau de nos canonnières qui ne dépasse pas pourtant 2m. 20c. Nous avons eu beaucoup de peine à les diriger seules et nous n’avons pu éviter de fréquents échouages sur ces bancs dont nous avons cherché à déterminer avec notre carte le gisement et l’étendue mais qui se déplacent fréquemment par les alluvions que les courants entraînent. Cette difficulté eut été bien plus grande encore s’il nous avait fallu remorquer un certain nombre d’embarcations chargées d’hommes comme cela serait nécessaire pendant plusieurs jours s’il s’agissait d’une expédition. C’est pourquoi je ne pense pas qu’il soit possible de tenter une entreprise de ce genre avec les seuls moyens dont je dispose et de conduire environ 500 hommes de débarquement à la remorque de 4 canonnières de ma Division, le Déroulède, le Tardif, le LeBrethon et le Kien Chan. L’envoi de ces hommes nécessiterait le transport d’approvisionnement considérable de vivres et de munitions et cette armée bien peu nombreuse aurait à agir à une distance encore assez grande, à environ 8 kilomètres des canonnières mouillées sur la rive.
 Bien que j’aie toujours pensé que l’opération nautique fut la plus difficile à exécuter, celle qui touche à la question militaire demande aussi beaucoup de soin, d’autant plus que nous avons affaire à un peuple que nous ne connaissons pas encore et dont les instincts guerriers peuvent se révéler en voyant les étrangers fouler le sol de leur patrie. D’après ce que j’ai pu voir, je pense que pour aller jusqu’au Séoul et pour obtenir un résultat assuré sans courir les chances incertaines du hasard, il serait opportun d’avoir un grand nombre de petites canonnières démontables comme celles de Cochinchine, au moins 6, plus 6 canonnières du tirant d’eau que j’ai signalé plus haut, et environ 6 à 8 chaloupes à vapeur en bois comme celles qui ont été envoyées au Mexique. Les plus grandes de ces canonnières, comme le Tardif pourraient aller devant Séoul, seules sans avoir à remorquer par des courants rapides, soit des jonques soit des embarcations chargées d’hommes. Elles porteraient les approvisionnements de vivres et les munitions et je crois que 1900 hommes de débarquement, plus deux batteries de 6 obusiers de 4 rayés, seraient suffisants pour soumettre Séoul surtout s’il s’agissait de s’y établir pendant le temps nécessaire pour peser sur le pays. Les Jonques des Indigènes et un certain nombre de chalands plats, remorqués par des chaloupes à vapeur et les petites canonnières serviraient au transport du personnel. Je ne peux tracer ici qu’un aperçu très rapide des moyens qui me semblent nécessaires pour entreprendre une expédition jusqu’à Séoul ; Je n’ai pu constater que les difficultés nautiques et je n’ai encore aucun renseignement sur les forces actives du pays et ses projets de résistance.
 Quant à présent, sans engager le Gouvernement de l’Empereur, dans une entreprise qui peut ne pas être certaine, il me semble nécessaire de frapper de terreur le Gouvt de la Corée et je suis sûr que l’apparition des forces dont je dispose en prouvant que ses côtes sont accessibles aux plus grands bâtiments, produira un effet assuré pour prévenir désormais la persécution contre les chrétiens. Je compte donc profiter des beaux jours qui restent encore dans cette saison pour me rendre avec la Guerrière et mes autres bâtiments au mouillage de l’île Boisée. Là je serai à portée de l’île de Kang-hoa, dont l’occupation peut être d’un grand intérêt et qui ainsi que j’ai eu l’honneur de le dire à V. E. peut par sa position importante et fortifiée être considérée comme la clef de Séoul.
 Je suis
Signé : Roze
P. S.
 Devant partir demain ou après demain pour Kang-hoa j’ai cru nécessaire de déclarer le blocus de la rivière de Séoul pendant tout le temps que je resterai dans les parages. J’en ai fait en conséquence la déclaration officielle aux représentants des différentes nations résidant en Chine.

색인어
이름
Guérin, Guérin, Ridel, Guérin, Bouchet, Hermann, Desfossés, Richy, Ridel, Bochet, Bochet, Hermann, Desfossés, Marlione, Richy, Chanoine, Ridel, Ridel, Ridel, Roze
지명
Tche-foo, Corée, Saïgon, Tche-foo, Tché-foo, Ning-po, golfe de Prince Jérôme, Han-Kiang, Séoul, le golfe du Prince Jérôme, Han-Kiang, le golfe du Prince Jérôme, îles Ferrière, l’Archipel du Prince Impérial, île Fernande, île Fernande, Han-Kiang, Séoul, Han-Kiang, île de Kang-Hoa, Corée, Séoul, île Eugénie, golfe du Prince Jérôme, île de Kang-hoa, Sirou, Ile Boisée, Séoul, Séoul, île de Kang-hoa, Ile boisée, Kang-Hoa, Kang-Hoa, Séoul, Séoul, Seuk-Kol, Séoul, Han-Kiang, Séoul, Ile Boisée, Séoul, Séoul, Séoul, Séoul, Séoul, Corée, Europe, Chine, Corée, Séoul, Séoul, Ile Boisée, Corée, Corée, île Boisée, Tchefou, Séoul, Cochinchine, Mexique, Séoul, Séoul, Séoul, Gouvt de la Corée, île Boisée, île de Kang-hoa, Kang-hoa, Séoul, Chine
관서
la Division de Chine, Gouvernement de la Corée
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조선 해안 탐사 보고 자료번호 : gk.d_0002_0320